Bonjour,
Je suis Ornella Galvani, art-thérapeute diplômée de la Faculté de Médecine de Grenoble. Mes domaines d’expertise sont les troubles du neuro-développement, les maladies chroniques et les proches aidants notamment avec un programme mené en collaboration avec l’Association Neuchâteloise des Proches Aidants : Un autre Reg'Art.
En 2019, l’Organisation mondiale de la santé a publié une étude scientifique pourtant sur les liens entre Arts et santé. Dans le cadre de cette étude très complète, 900 publications scientifiques de ces 20 dernières années ont été analysées. Les nombreux cas étudiés ont permis de montrer l’influence positive des activités artistiques sur notre bien-être physique et mental.
La docteure Piroska Östlin, une des expertes présentant l’étude déclare : « Faire entrer l’art dans la vie de quelqu’un par le biais d’activités telles que la danse, le chant ou la fréquentation de musées et de concerts nous donne une clé supplémentaire pour améliorer notre santé physique et mentale »
Quelques exemples du bien être que l’Art peut apporter dans notre quotidien :
Une histoire lue à un enfant avant de dormir peut l’aider à mieux dormir ou à être plus concentré à l’école
Le théâtre peut aider des adolescents à prendre des décisions ou encore diminuer leur violence
La musique peut stimuler les fonctions cognitives de personnes souffrant de démence ou soulager les effets secondaires des chimiothérapies
Ces bénéfices des activités artistiques s’appuient sur les pouvoirs et effets de l’Art. En art-thérapie, on en distingue trois : le pouvoir éducatif, le pouvoir d’entrainement et l’effet relationnel.
Le pouvoir éducatif de l’Art permet d’éduquer nos sens et nos sensations, nos facultés, de ressentir des choses, de donner des couleurs particulières à nos émotions. C’est ce pouvoir qui est mobilisé quand on est ému face à un tableau, qu’une musique que l’on écoute nous rend heureux ou encore lorsqu’on pleure devant un film.
Le pouvoir d’entrainement de l’Art structure et mobilise tout le schéma corporel. La musique sollicite particulièrement ce pouvoir. En effet, on a tous déjà tapé du pied en écoutant une chanson dont le rythme nous plait, on a tous eu une soudaine envie de chanter en entendant notre chanson favorite a la radio et parfois on est même allés jusqu’à danser.
L’effet relationnel se trouve dans le partage que l’Art permet et sa capacité à renforcer nos modalités de communication et de relation. En allant voir un concert, un film au cinéma, une exposition dans une galerie, ou tout simplement en créant ensemble on ressent ce lien que permet l’art entre les êtres humains.
L’art-thérapie s’appuie sur ces pouvoirs de l’Art et sur les grands mécanismes humains qu’ils sollicitent. C’est en orientant l’activité artistique et les pouvoirs de l’Art à des fins thérapeutiques que l’art-thérapeute accompagne ses patients vers une augmentation de leur bien-être et une meilleure santé.
Mais alors, qu’est-ce que l’art-thérapie ? Aujourd’hui on voit ce mot partout et ce n’est pas toujours facile de s’y retrouver. Depuis quelques années, on trouve dans toutes les librairies des livres de coloriages titrés art-thérapie des écoles d’Art ou de yoga proposent des stages dits d’art-thérapie. Bref l’art-thérapie semble partout mais cette terminologie est utilisée à mauvais escient. Toutes ces activités sont sans doute divertissantes ou relaxantes pour certains mais elles ne sont pas à confondre avec une thérapie.
L’art-thérapie est exercée par des professionnels ayant étudié le potentiel artistique d’un point de vue thérapeutique.
Quels problèmes cela pose-t-il puisque les pouvoirs de l’art semblent apporter des bénéfices peu importe comment ? Premièrement cette mauvaise utilisation du terme art-thérapie génère une confusion. Pour la plupart des gens l’art-thérapie est une histoire de coloriage et de relaxation. Cela dévalorise la discipline et l’empêche de se développer dans notre société au détriment des personnes pour qui elle pourrait avoir de grands bénéfices. De plus, si la contemplation et la pratique artistique peuvent s’avérer bénéfiques, elles peuvent aussi avoir l’effet contraire. Prenons un exemple : lorsqu’une personne est valorisée par une pratique artistique, cela peut avoir un effet positif à plusieurs niveaux. Sa confiance en soi, c’est-à-dire sa capacité à agir et à se projeter peut s’en trouver améliorée. Au contraire, si la personne est déçue de sa production artistique et qu’il ressort dévalorisé de l’activité artistique, cela peut la conduire dans ce que l’on appelle en art-thérapie une boucle d’inhibition c’est-à-dire que son échec aura des répercussions sur sa capacité à recommencer l’activité. Et cela peut avoir un impact sur son estime de soi bien au-delà de l’activité artistique.
Il est donc primordial, pour le bien des patients que l’art-thérapie soit encadrée par un professionnel de l’art-thérapie. Les choses étant maintenant clarifiées, si vous aimez le coloriage et n’y cherchez pas un moyen de vous sentir mieux au-delà du caractère relaxant de la chose, vous pouvez bien évidement continuer vos activités avec grand plaisir.
Dans mon cas, je fais partie du courant d’art-thérapie que l’on dit moderne. Dans mon travail, je ne cherche pas à interpréter ce que crée ou dit la personne. Je ne cherche pas à comprendre ce qui amène la personne à être ce qu’elle est aujourd’hui mais plutôt à comprendre comment avancer maintenant que la personne est là. Dans mon cas je ne m’intéresse pas à l’avant et pourquoi mais plutôt au maintenant et comment. Quand je rencontre une personne, je prends en compte sa situation, ses limites, ses souffrances, mais avant tout je cherche à comprendre ce qui fonctionne encore, cette partie saine sur laquelle peut s’appuyer la thérapie. Mon idée est de renforcer les capacités préservées et les compétences de la personne pour l’aider à aller mieux en retrouvant un équilibre entre ce qui va bien et moins bien.
L’art-thérapie permet au patient d’être actif d’une prise en charge qui s’appuie sur sa partie saine, ce qui fonctionne chez lui, et qui la renforce. Il peut ainsi redevenir pleinement sujet et acteur de son mieux être. L’art-thérapeute est là pour accompagner la création, proposer la ou les techniques qui semblent faire appel aux pouvoirs de l’Art les plus adaptés vis-à-vis de la situation du patient. Dans certains cas, l’art-thérapeute est aussi une aide physique, un outil au service de la création du patient.
Je terminerai cet article en citant Fabrice Chardon, directeur pédagogique des Diplômes Universitaires en Art-thérapie des facultés de médecine de Tours, Lille et Grenoble : “J’aime répéter que l’art-thérapie n’a jamais guéri personne mais qu’elle soutient sinon donne l’envie de guérir. Cela ne supprime pas tous les symptômes ni n’éradique la maladie mais cela permet de soulager le patient, de lui donner envie de continuer son traitement, de booster sa capacité de projection.”
L’art-thérapie ne guérit pas, mais elle permet déjà beaucoup …
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